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Petit précis d’usage des festivals à destination du public et des cinéastes caribéens

À l’échelle globale, festival de cinéma est synonyme de prestige, de reconnaissance, et bien sûr de paillettes. Paillettes, certes, mais aussi parfois poudre aux yeux. Les mythes en la matière sont nombreux. Et si nous établissions quelques bases pour les parutions à venir autour de ce sujet si important ? Bas les masques et les affiches, il est temps de déboulonner les lauriers.

 

Le “big five” et la chaîne alimentaire

 

Parmi les lauriers qui règlent tous les débats, nous avons ceux des cinq festivals incontournables que sont Cannes, Sundance, Berlin, Venise et Toronto. Points mondiaux névralgiques, ils rassemblent de nombreux acteurs de la filière et nous plongent dans le grand aquarium où se mêle l’intégralité de la filière, des auteurs aux distributeurs de toute la planète. Véritables market places, il vaut mieux s’y présenter avec, au mieux un film en compétition, sinon un projet bien abouti. Comme tous les grands lieux de rencontre, ils donnent naissance à un véritable écosystème. Il faut ainsi noter la multitude de festivals périphériques qui se greffent à leur notoriété. Vous l’aurez compris, avoir un prix à Cannes ne signifie pas être primé au festival de Cannes. Rares sont les cinéastes caribéens à avoir accédé aux sélections du Big Five, et parmi les talents remarquables de ces dernières années, on peut citer le “Freda” de Gessica Geneus (Haïti) qui nous a fait pleurer à Cannes, “l’Homme Vertige” de Malaury Eloi-Paisley qui nous a gonflé le coeur à Berlin, ou encore “Kidnapping Inc.” de Bruno Mourral (Haïti) qui a conquis Sundance. La course à la sélection pour ces festivals étant particulièrement rude, il faut rendre hommage également aux producteurs qui décochent le sésame pour ces vitrines prisées, et qui sont malheureusement encore plus rares dans la région que les auteurs sélectionnés. Car oui, le lobbying culturel s’associe toujours au talent lorsqu’il s’agit de ces prestigieux écrans. Ce haut du panier des festivals du cinéma mondial bénéficie d’une hype à renouvellement automatique. Parce que mythiques, parce qu’historiques, les festivals du Big Five monopolisent l’attention. Pourtant, en tant qu’acteur de l’industrie cinématographique caribéenne, l’on gagne cependant grandement à s’attarder sur d’autres festivals internationaux aux valeurs moins monolithes, car il faut noter que ce lobbying culturel implique souvent des concessions systémiques auquel le cinéma de notre région ne saurait se plier.

 

Pourquoi viser un festival international, et lequel ?

 

La plupart des grands festivals européens hors Big Five, comme toutes les entreprises et fondations de “l’ancien monde”, accordent une part de plus en plus belle au remaniement de leur image de marque via une muestra de la “diversité” et des “cinémas du Sud”. A Rotterdam (Pays-Bas) ou Locarno (Suisse) par exemple, des ateliers et sélections parallèles se multiplient pour offrir visibilité, terrain de rencontre et ateliers aux jeunes cinéastes de la région Caraïbes/Amérique du Sud. Il serait dommage de s’en priver.

Outre-Atlantique, aux États-Unis, les festivals de Tribeca et South x Southwest sont également des places fortes pour le réseau et l’avant-garde. Jolie prouesse de 2024, le film Sirènes de Sarah Malléon (Martinique) s’est fait remarquer à Tribeca, notamment grâce à l’efficacité du réseau de son distributeur, Sudu Connexion, spécialisé dans la distribution de films de la diaspora africaine. Attention cependant, festival américain ne signifie pas festival important. Seuls les deux festivals susnommés sont des lieux indiqués pour trouver un potentiel distributeur. Pour le reste des festivals US, cette stratégie risquerait de ne pas être payante. D’autant moins qu’il y a, dans la seule ville de New York, autant de festivals que de stations de métro. Ainsi, cher cinéaste, ne te laisse pas aveugler par le tapis rouge-Big-Apple des festivals qui n’ont pour critère de sélection que la gratuité des films projetés, surtout si ceux-ci portent le nom d’un quartier de Manhattan autre que Tribeca. Voici d’ailleurs l’occasion d’évoquer un point essentiel : toute projection de votre oeuvre en festival mérite d’être payée. Il est bien sûr possible de choisir d’offrir la projection de son film à un festival par sympathie, mais le respect d’une oeuvre cinématographique commence par là : qui diffuse, paie des droits. D’autant que la gratuité des droits en échange d’une projection n’est pas un modèle économique indispensable pour bien des festivals internationaux. Parmi ceux-là, le festival Third Horizon à Miami se démarque chaque année un peu plus par la qualité de sa curation et de son accueil des cinéastes caribéens. Il faut dire qu’en 2024, la pertinence d’avoir, plus qu’une sélection, mais plutôt une curation pour son édition est à souligner. La curation va au-delà de la validation artistique, elle est bien souvent politique, tout comme le cinéma de nos régions. Third Horizon se place en carrefour de rencontre des pensées et visions d’une génération de cinéastes. L’expérience est hautement recommandée, ne serait-ce que pour avoir une vue d’ensemble sur l’avant-garde. Et si Miami reste un hub évident pour concentrer les talents de toute la Caraïbe, certains festivals implantés dans l’arc antillais ne sont pas en reste. Ils sont nous autant que nous sommes eux, je parle bien sûr de nos chers festivals régionaux, par qui tout commence.

 

Le festival régional : arrêt obligatoire

 

La notion de point de départ est importante à souligner lorsque l’on parle de festivals comme Nouveaux Regards en Guadeloupe, le TTFF à Trinité-et-Tobago, ou encore le Cinémartinique par exemple. Au coeur des initiatives de ces temps forts régionaux, des bourses d’écriture, des concours de pitch et autres formations gratuites qui représentent de véritables tremplins pour pallier l’insularité et ses freins. Plus même que d’envoyer ses films en compétition, il est recommandé de se rendre sur place car s’il y a bien des endroits où les rencontres sont possibles à une échelle intéressante, les voici. Les interlocuteurs invités dans ces festivals, qu’ils représentent des institutions nationales ou internationales, sont potentiellement la rencontre clé qui mènera à une production à la hauteur des ambitions créatives, tout en restant dans la compréhension des réalités du cinéma caribéen[1]. Enfin, les temps de concertation généralement au programme permettent de renforcer à la fois l’unité de la filière et l’orientation de la politique locale. Cerise sur le gâteau, les lauriers de ces festivals sont un signe de reconnaissance efficace, même s’il faut, in this economy, suivre de près la santé de ces temps forts dont l’envergure peut malheureusement varier d’une année à l’autre.

 

À propos de lauriers, et pour en revenir à notre déboulonnage d’idées reçues, un laurier n’a d’utilité que si son nom alimente une stratégie de distribution plus poussée qu’une collection botanique sur une affiche. Ainsi, un laurier du World film festival de Houston, du Festival international du film indépendant de Brighton ou du New Delhi Award Film Fest sont superflus. Et pour cause, ces festivals n’existent pas. Mais ils auraient très bien pu être réels car ô surprise, si vous tapez “independent film festival” suivi d’un nom de ville aléatoire dans une barre de recherche, vous verrez que ce festival existe. Il y a même fort à parier que ce soit un des nombreux festivals immatériels dont le modèle économique est de vendre des lauriers. Pour la modique somme de 100 dollars, vous repartez avec un laurier qui ornera votre affiche d’une référence qui ne parlera à personne. Pas folle, la guêpe.

 

Partons donc du point de départ que sont nos multiples festivals internationaux de la grande région Caraïbes, dont voici un agenda sélectif pour 2025 :


Hairouna Film Festival : du 21 au 29 mars (St Vincent and the Grenadines)

Muestra Karibe : Mars (République Dominicaine- Documentaire )

Festival International de Carthagène des Indes : du 1er au 6 avril 2025 (Colombie)

Nouveaux Regards : du 2 au 6 avril (Guadeloupe)

IFF Panama : du 3 au 6 avril (Panama)

Curaçao International Film Festival : du 9 au 13 avril (Curaçao)

Third Horizon : du 29 mai au 1er juin (Miami)

TTFF : du 24 au 30 septembre (Trinidad and Tobago)

Fifac : du 7 au 11 octobre 2025 (Guyane, documentaire)

Monde en Vues : octobre (Guadeloupe)

Toiles des Palmistes : Octobre (Guyane)

Cinémartinique : octobre (Martinique)

12°N 61°W Film Festival : octobre (Grenade)

Festival Internacional del Nuevo Cine Latino Americano : décembre (La Havane)

 

Rendez-vous en salles, avec ou sans paillettes


[1]Voir l’article de “Futurs fugitifs” de Jonathan Ali (insertion hyperlien)

 
 

Steve Zébina

Programmateur - Critique

Passionné de cinéma caribéen et coréen, programmateur du festival Cinémartinique depuis 2008, Reponsable du cinéma à Tropiques Atrium Scène nationale

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